Un peu d'histoire

La notion de "pacification intérieure par l’harmonisation du Qi" à l'origine du Freechi était déjà présente à l’époque des Royaumes Combattants (475-221 av. J.-C.) à travers des courants taoïstes et des traditions martiales associées aux castes d'élite qui dédiaient leur vie à la sagesse et au combat pacifiste.

À l’époque des Royaumes Combattants (475-221 av. J.-C.), les formes anciennes de pratiques méditatives et martiales étaient déjà largement développées en Chine, bien que le Tai Chi tel que nous le connaissons aujourd’hui ai été codifié bien plus tard sous ce nom durant la dynastie Ming (1368-1644). Parmi les disciplines anciennes où il puise ses sources on retrouve dans les textes :

  • Le Dao Yin (導引) : Une ancienne pratique de circulation de l’énergie vitale (Qi), qui comprenait des exercices physiques et respiratoires parfois réalisés à deux pour harmoniser le Qi.
  • Les exercices de Tuishou primitif : des formes rudimentaires de "poussée des mains" (推手, Tuīshǒu) ont existé dans les pratiques martiales des Royaumes Combattants, notamment chez les guerriers pratiquant des styles de lutte et de combat rapproché.
  • Le Wuji et les pratiques taoïstes : certains maîtres taoïstes de cette époque pratiquaient la méditation en mouvement et des exercices de synchronisation énergétique en duo, basés sur l'observation du Yin-Yang et du flux naturel du Qi.
  • Le Jiǎolì (角力) : Une forme ancienne de lutte chinoise qui comprenait des éléments de contrôle et de ressenti du partenaire, illustrant une forme précoce de travail en duo lié aux arts énergétiques.

Ces influences ont été intégrées progressivement dans les arts martiaux internes chinois et ont évolué en ce que l’on connaît aujourd’hui sous le nom de Tai Chi ou Tuishou.

On peut citer quelques principes fondamentaux des pratiques de cette époque :

  • Xiu Xin (修心) - Cultiver l’esprit : Les érudits et guerriers-philosophes pratiquaient des exercices de concentration et de respiration pour pacifier leur esprit avant le combat ou la prise de décisions stratégiques.
  • Tiao Qi (调气) - Réguler le Qi : Par la respiration profonde et la posture, ils harmonisaient le Qi pour équilibrer leurs émotions et renforcer leur présence intérieure.
  • Wu Wei (无为) - Laisser-faire actif : Principe taoïste central visant à agir sans forcer, à se synchroniser avec les dynamiques naturelles du monde et des adversaires.

Le Freechi est inspiré par la description dans certains textes anciens de pratiques de méditation à deux par les "princes-guerriers-philosophes". Ces textes datent de périodes où les écoles philosophiques étaient prolifiques et la pratique des arts internes très développées voire sacrée. Les domaines n'étaient pas encore codifiés et restreints, et au contraire permettaient de nombreuses connexions exploratoires entre les philosophies et les courants de pratique. On trouve des références dans les écrits suivants :

  • Zhuangzi (庄子, ~369-286 av. J.-C.) : Son œuvre décrit des sages capables de maîtriser leur souffle et leur énergie pour atteindre un état de non-résistance face aux conflits. Il mentionne aussi des pratiques énergétiques entre maîtres et disciples.
  • L’art de la guerre de Sun Tzu (孙子兵法, ~5e siècle av. J.-C.) : Bien que militaire, ce texte évoque le contrôle du Qi et de l’intention (Yi, 意) comme clé pour triompher sans combattre.
  • Les Annales de Lü Buwei (吕氏春秋, ~239 av. J.-C.) : Ce texte parle d’harmonisation cosmique et de régulation du Qi pour une gouvernance sage et pacifiée, des principes qui pouvaient être appliqués aux relations interpersonnelles et martiales.
  • Daoyin Tu (导引图, ~168 av. J.-C., découvert à Mawangdui) : Bien que postérieur, ce manuscrit montre des exercices de circulation du Qi, dont certains pourraient avoir été pratiqués en duo par les taoïstes antérieurs.

On trouve des traces de méditation à deux à travers des exercices en binôme réalisés dans les pratiques anciennes suivantes:

  • Méditation synchronisée: Les taoïstes de l’époque pratiquaient des assises en miroir pour équilibrer mutuellement leur énergie, une proto-forme de méditation en duo.
  • Tuishou archaïque : Certains guerriers s’exerçaient à ressentir et rediriger la force d’un partenaire sans opposition brutale, anticipant les principes du Tai Chi.
  • Neigong martial (内功): Des exercices de respiration et de posture à deux permettaient d’affiner la perception du Qi de l’autre et de travailler la stabilité énergétique.

Les fondamentaux

Neijing (内经) - "Classique Interne"

Le terme Neijing (内经) signifie littéralement "Classique Interne". C'est un corpus théorique décrivant les principes énergétiques du corps humain et de la nature. Il fait référence principalement à des textes anciens traitant de la médecine, de l’énergie interne et de la cosmologie chinoise.

L'un des textes de référence est le "Huangdi Neijing" (黄帝内经). Il s’agit du Classique interne de l’Empereur Jaune, un texte fondamental de la médecine chinoise, écrit vers le 2e siècle av. J.-C. Il explique les principes de circulation du Qi, des méridiens, du Yin-Yang et des Cinq Éléments. Il ne décrit pas spécifiquement des exercices pratiques comme le Neigong, mais donne la théorie énergétique sous-jacente aux pratiques de santé et d’arts internes. Il est souvent utilisé comme base théorique en acupuncture, Qi Gong et Tai Chi.

Neigong (内功) - "Travail Interne"

Le Neigong (内功) signifie littéralement "Travail interne" qui applique les principes du Neijing. Il désigne une pratique physique et énergétique visant à cultiver la l’énergie interne et la maîtrise du Qi.

Pratique corporelle et respiratoire basé sur la medecine du Neijng, il renforce la circulation du Qi et l’équilibre Yin-Yang. Utilisé en arts martiaux internes (Neijia, 内家), Il est central dans des styles comme le Tai Chi, le Xingyi et le Bagua, où il développe la puissance interne.

Exemples de pratiques de Neigong :

  • Zhan Zhuang (站桩) – Posture statique pour accumuler et raffiner le Qi.
  • Tuishou énergétique (推手) – Travail en duo pour sentir et rediriger l’énergie.
  • Respiration embryonnaire (胎息, Tāixī) – Technique de contrôle du souffle pour nourrir le Qi.
  • Neigong martial (武术内功) – Développement de la puissance interne dans les frappes et déplacements.

Des exemples détaillés de pratiques anciennes du Neigong

"Ting Qi" (听气) - Écoute du Qi en contact

Zhuangzi, "L’Essentiel Suprême" (庄子 - 《至乐》) : ~ Celui qui suit le souffle de l’autre sans le contraindre ni le devancer trouvera l’harmonie dans le Dao.
Sun Tzu, "L’Art de la Guerre" (孙子兵法) : ~ Le bon général perçoit les changements subtils avant même qu’ils ne se manifestent.

Principe : Se placer en position stable et établir un léger contact avec le partenaire (mains, bras, ou dos). L’objectif est de ressentir les flux du Qi de l’autre, en affinant la perception subtile de la circulation énergétique.

Pratique : Un partenaire initie un léger mouvement (ex. : pression ou rotation), et l’autre doit ressentir et accompagner ce mouvement sans rompre la connexion.

"He Qi Gong" (合气功) - Alignement des souffles

_Laozi, "Dao De Jing" (道德经, ch. 42) : "Du Un naît le Deux, du Deux naît le Trois, et du Trois naissent toutes choses. Tous les êtres portent le Yin sur leur dos et embrassent le Yang dans leurs bras ; ils reçoivent leur harmonie du souffle médian."
Huangdi Neijing (黄帝内经, ~2e siècle av. J.-C.) : ~ Lorsque deux souffles s’accordent, le Qi circule sans entrave et la maladie ne peut s’installer.

Principe : Synchroniser la respiration avec un partenaire pour harmoniser les flux énergétiques. Cette pratique développe une sensibilité fine à l’état interne de l’autre.

Pratique : Assis face à face, les deux pratiquants adoptent un rythme respiratoire lent et profond, en s’accordant progressivement sur une même fréquence. Ensuite, des mouvements lents sont introduits pour vérifier si l’harmonisation du souffle affecte la fluidité du mouvement.

"Yin-Yang Tuishou" (阴阳推手) - Poussée des mains énergétique

Liezi (列子, "L’Homme Véritable") : ~ Le grand guerrier ne combat pas, il danse avec la force qui lui est opposée et l’accueille dans son vide.
Huangdi Sijing (黄帝四经, texte stratégique attribué à l’Empereur Jaune) : ~ Lorsque l’adversaire pousse, accueille-le dans ton vide. Lorsque l’adversaire recule, accompagne son retour à lui-même.

Principe : Développer un échange d’énergie en poussée des mains, non pas pour la domination, mais pour affiner la connexion entre le Yin et le Yang dans le mouvement.

Pratique : Les partenaires commencent en position debout, les mains en contact doux. L’un applique une pression lente et continue, l’autre absorbe et redirige sans interrompre la fluidité. L’intention n’est pas de repousser mais de "danser" avec l’énergie de l’autre en restant enraciné.

"Hun Yuan Zhuan" (浑圆转) - Circulation sphérique du Qi

Dao Yin Tu (导引图, manuscrit de Mawangdui, ~168 av. J.-C.) : ~ L’univers est un grand cercle. Celui qui comprend le mouvement circulaire ne connaît pas l’arrêt.
Sun Tzu, "L’Art de la Guerre" (ch. 6) : ~ Le mouvement parfait est celui de l’eau : il ne force rien, mais pénètre tout.

Principe : Développer la perception du Qi dans un mouvement continu circulaire en duo.

Pratique : Debout face à face, les partenaires posent leurs mains sur les avant-bras de l’autre. Ils entament des cercles lents et fluides en maintenant une pression égale et en synchronisant leur intention. Le but est d’éviter toute rigidité et de maintenir un flot constant, comme une sphère tournante d’énergie.

"Shuang Ren Jing Zuo" (双人静坐) - Assise méditative en miroir

Zhuangzi, "Les Hommes Véritables" (真人) : ~ Deux sages méditant ensemble deviennent un seul corps, un seul souffle, un seul esprit.
Huangdi Neijing (黄帝内经, "Suwen" ch. 8) : ~ Le cœur d’un homme tranquille s’accorde à celui d’un autre, et leur Qi suit un même chemin.

Principe : Méditer face à face pour synchroniser les flux de conscience et affiner la perception mutuelle du Qi.

Pratique : Les partenaires adoptent la posture assise du lotus ou demi-lotus. Ils fixent un point entre les deux, ou ferment les yeux et synchronisent leur respiration. Par moments, l’un initie un léger mouvement de balancement ou de respiration plus profonde pour voir si l’autre peut naturellement suivre sans paroles.